L’intensité particulière du rendu de la lumière à travers le traitement pictural crée un sentiment d’étrangeté. Si la peintre vit aujourd’hui en Europe, elle garde toujours dans les yeux cette lumière du Chili, une lumière aux propriétés physiques différentes de celles d’ici. Ce territoire pris en étau entre le Pacifique et la Cordillère des Andes n’est que vibrations et déferlements .
Les œuvres de Victoria Calleja dégagent une force titanesque quel que soit leur format ou leur technique. Fendues de brèches lumineuses, elles sont traversées d’une sorte de mystère iridescent. Ciel et terre ne font qu’un. Ces paysages symphoniques ne sont qu’énergies et bouillonnements. Ils ne sont qu’éléments minéraux parfois rehaussés d’une présence végétale, tels ces étonnants portraits d’arbres, souvent seuls, brûlés de blancheur cristalline et perdus dans l’immensité.
Il y a une autre série qui répond à la première sur un autre plan : les portraits humains où la lumière est également le pivot de son art. Ces sonates visuelles sont les contrepoints des paysages ; la blancheur de la transposition picturale et son miroitement diaphane renvoient à la qualité lumineuse de ceux-ci. Les modèles représentés sont dénués d’identité: des êtres vus de dos ou de trois quarts, les traits manquants, comme étrangers à eux-mêmes ou ne laissant percer d’eux que leur aura. Ils ne semblent jamais faire face mais sont tels des apparitions, fugaces.
A travers leur usage vaporeux, des blancs irradiés jaillissent littéralement du support. Mêmes les ombres sont nourries de cette luminescence qui confère l’unicité à l’œuvre.Dans ces sculptures ne perçoit-on pas la même volonté de s’emparer des jeux de reflets et d’énergie pour tenter d’en saisir les métamorphoses ?
Au départ d’un noyau sculptural, elle les pique d’épingles et d’éléments métalliques cuivrés comme si elle tentait de les transformer en fétiches. Cette manière de procéder a pour effet de protéger le cœur de l’œuvre tout en transposant sa force vitale interne en affirmation artistique. Une dissémination de son aura tout en délicatesse. La surface de ces œuvres toutes en rondeur capte une lumière centrifuge et caressante qui émerge et vibrionne à fleur de corps.
Ces coupes paysagères sont comme des maquettes géologiques de certains dessins au fusain, des échantillons qui en disent long sur la violence des mouvements chthoniens, les déchirures de la croûte terrestre, ses tremblements et ses fractures telluriques.
Elle travaille tantôt le gigantisme de paysages drus, tantôt des silhouettes humaines ou encore des détails abstraits. Toujours, elle prend appui sur le réel pour le transfigurer. Ses peintures et dessins sont comme des visions de l’intime portées par un travail rigoureux. Ces œuvres rendent le caractère incandescent de la terre et révèlent l’aura des êtres. Il y a aussi les dessins et les estampes en noir et blanc qui contribuent à cette expression de ce qui sublime la réalité. Enfin, ses recherches tridimensionnelles qui poursuivent cette insondable quête de soi face à l’infiniment grand et à l’infiniment petit.
— Michele Minne
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